Thème : La rue
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Le concours n’a pas donné suite, mais le challenge était très tentant.
Un garçon épris d’un homme qui vit dans une impasse vient l’observer tout les matins à son insu. Un jour, l’homme s’aperçoit de son manège. Courte, rapide, cette nouvelle vise, au delà du défi, à interroger sur la tolérance et l’ouverture d’esprit de chacun. Elle a aussi pour vocation de résonner dans les coeurs de ceux qui s’identifient, en particulier les jeunes et leur montrer qu’ils ne sont pas seuls.
«Alors, souffle-t-il, je peux savoir pourquoi tu continues de venir ici tous les matins ?»
Le garçon concentre son regard sur la vigne qui leur fait face.
Il soupire.
Il fallait bien s’attendre à ce qu’il pose ce genre de question.
Il hésite. Doit-il être honnête ?
La vérité qu’il porte n’est pourtant pas facile à dire.
Mais que dire sinon la vérité ?
Il n’y a aucune explication qui puisse être recevable dans cette situation.
Tout sonnerait faux.
Alors il se décide, il va dire la vérité.
Il faut qu’il soulage son coeur.
Tant pis. Au diable les faux-semblants, au diable les jugements, au diable les rejets.
Fixant le mur en face, il s’élance :
« Je suis amoureux de votre rue, Monsieur.
J’aime l’ambiance qui s’en dégage.
J’aime la couleur qu’elle porte, ce bleu magnifique qui lui sied si bien.
J’aime la douceur de son trottoir et la vigueur de sa vigne.
J’aime la bienveillance avec laquelle elle protège et la jovialité qu’elle transmet.
J’aime l’étroitesse de ses courbes et la force et la force de ses murs.
J’aime la façon dont elle souffle le vent, cette manière rauque et douce qui lui donne tout son charme.
J’aime la façon dont le soleil l’éclaire en été et la façon dont la pluie la détrempe en hiver.
J’aime sa beauté.
Elle est belle, fine, complète.
Elle semble avoir tout vu, toute vécu et pourtant elle se dresse avec une immense fierté, comme si la vie ne lui avait encore rien fait.
Mais moi, je vois bien qu’elle a vécu, je vois bien qu’elle semble avoir mal.
Même si elle se tient fermement et se protège de tout. Seuls les éclats de bleu qui lui manque témoignent de son expérience passée.
Un passé lourd, un passé sombre. Et j’ai envie de connaître ce passé, j’ai envie de la connaître davantage, de la comprendre pour pouvoir l’aider à se rebâtir.
J’ai envie d’être celui qui va repeindre ses murs et colmater ses fissures.
Pour qu’elle puisse continuer de se dresser avec toute cette assurance qui lui va si bien.
Voilà pourquoi je viens.
Voilà pourquoi je continue de venir. »